Le HCE demande au gouvernement que la France retrouve rapidement sa souveraineté en matière de production de la pilule abortive.
La production des deux médicaments utilisés pour les avortements médicamenteux, le misoprostol et la mifépristone, est dans les mains d’un seul producteur, le groupe Nordic Pharma dont une partie conséquente des capitaux pourrait être américaine.
Vendredi 7 avril, Matthew Kacsmaryk, juge fédéral du Texas, a annoncé suspendre l’autorisation de mise sur le marché aux États-Unis de la mifépristone (RU 486), une des deux composantes de la pilule abortive utilisée pour les IVG médicamenteuses, provoquant la saisine de la Cour suprême par le président Joe Biden.
La situation américaine fait planer la menace d’une pénurie liée à la constitution de stocks par les Etats américains qui cherchent à pallier un éventuel arrêt de la production et/ou de la commercialisation de la mifépristone et du misoprostol. Autre risque : une forte augmentation des prix, due aux possibles ruptures de production et d’approvisionnement.
Déjà, depuis quelques jours en France, les acteurs de terrain alertent sur les pénuries du misoprostol dans certaines pharmacies notamment à Lille ou en région parisienne. En France, environ 70% des IVG étant médicamenteuses, l’accès à l’avortement risque d’être fortement limité, portant une grave atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes.
Quelle que soit la décision de la Cour suprême, le HCE réclame aux pouvoirs publics une réponse rapide face au danger lié à la production monopolistique de la pilule abortive, concentrée dans les mains d’un seul laboratoire pharmaceutique qui pourrait être largement américain. Voilà trois ans (cf. vigilance du 27 mai 2020, rappelé en 2022) que le HCE recommande aux pouvoirs publics d’exercer un vrai contrôle sur ces produits et de relocaliser leur fabrication en Europe et le plus vite possible en France.
Pour les droits des femmes, il est capital que les pouvoirs publics s’assurent que l’ensemble des produits et médicaments nécessaires à l’avortement soient constamment disponibles.
Pour rappel, la mifépristone et le misoprostol, deux molécules indissociables pour la pilule abortive, ont connu des destins agités liés à des problèmes économiques, renforcés par des interventions importantes des mouvements anti-IVG (voir ci-dessous).
La découverte des propriétés abortives du RU486, « Mifégyne », produit des laboratoires Roussel-Uclaf, est réalisée en 1982 par Etienne-Émile Baulieu qui signe un accord avec l’OMS, en 1983, pour pouvoir utiliser mondialement cette molécule comme abortif. En France malgré d’importantes actions des mouvements anti-avortement, elle est commercialisée en 1988 grâce à une injonction du ministre de la santé, Claude Evin, et elle sera associée, en 1991, avec le Misoprostol ou « Cytotec » pour une meilleure efficacité.
En 1997, après le rachat de Roussel-Uclaf par les laboratoires Hoechst, le combat des opposant.es à l’avortement a connu aux Etats-Unis des niveaux rarement atteints. Des médecins ont été assassiné.es, et la majorité des cliniques, les cliniques privées en premier lieu, ont renoncé à pratiquer l’IVG. Le puissant groupe pharmaceutique Hoechst Roussel (devenu Aventis depuis son rapprochement avec Rhône-Poulenc), menacé d’un boycott de ses produits, avait ainsi, dès 1994, renoncé à commercialiser aux Etats-Unis la pilule abortive RU 486 avant d’abandonner totalement ce produit, suite aux pressions des groupes anti-avortement en Allemagne et surtout aux Etats -Unis. La molécule est cédée gratuitement au laboratoire Exelgyn, dirigé par le codécouvreur de la molécule, Edouard Sakis, en 2000. En 2010, après sa mort, le laboratoire Exelgyn est racheté par Nordic Pharma, filiale de Nordic Groupe.
Le Misoprostol, médicament associé à la Mifégyne pour pratiquer les IVG médicamenteuses, a connu une aventure similaire : médicament de la famille des prostaglandines, initialement utilisé dans le traitement des ulcères d’estomac, il a été commercialisé, dès 1986, par le laboratoire américain Pfizer mais il a été constaté que le Cytotec avait été retiré du marché à partir du moment où l’utilisation du produit ne servait plus qu’en majorité à l’IVG. Actuellement une présentation destinée exclusivement à l’IVG, dix fois plus chère, est commercialisée par Nordic Pharma.
Ainsi, la production des médicaments utilisés pour les IVG médicamenteuses est dans les mains d’un seul producteur, le groupe Nordic Pharma, avec des risques de rupture de production et d’approvisionnement et de pression sur les prix.
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