Juillet 2016
La dépense publique représente plus de 55 % du PIB. Les financements publics ont donc un
véritable poids économique, lui permettant d’impulser des évolutions économiques et sociales. Parmi celles-ci se trouve l’exigence d’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Si cette exigence existe bel et bien, elle n’est encore que peu pensée et peu formalisée dans la façon dont sont attribués et utilisés les financements publics. Cela peut mener à la présence de stéréotypes de sexe dans l’action publique elle-même, comme cela a notamment été pointé du doigt par le HCE à plusieurs reprises. La cohérence des politiques publiques en même temps que leur efficience – une politique publique ayant des moyens ou des effets qui en contredisent une autre – sont alors remises en cause.
L’argent public doit non seulement ne pas conforter les stéréotypes de sexe mais au contraire constituer un levier pour agir contre ces derniers. Pour ce faire, le HCE recommande de conditionner les financements publics à l’égalité femmes-hommes.
L’éga-conditionnalité : un concept promu par le HCE
Dans un souci de cohérence et d’efficience des politiques publiques, l’argent investi dans toutes les sphères d’action publique doit en réalité être également un moyen de l’égalité. En octobre 2014, le HCE avait émis dans son Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes de sexe de nombreuses recommandations pour favoriser la budgétisation sensible au genre et l’ « éga-conditionnalité des marchés publics », c’est-à-dire le conditionnement de l’accès aux marchés publics au respect de l’égalité femmes-hommes et à la mise en place d’actions la favorisant.
Pour une collectivité comme pour l’Etat, intégrer des objectifs d’égalité femmes-hommes, c’est être en cohérence avec sa politique d’égalité et les valeurs de la République. C’est aussi être exemplaire et diffuser cette exigence vers d’autres organisations.
Au niveau européen, une directive de 2014 a renforcé les possibilités offertes pour conditionner les achats publics Au niveau national, l’article 16 de la loi du 4 août 2014, en interdisant l’accès aux consultations publiques aux entreprises ayant été condamnées pour discrimination, méconnaissance ou encore violation de l’obligation de négociation en matière d’égalité professionnelle, a été un premier pas. Néanmoins, un rapport de la Cour des Comptes montre que ces avancés sont « encore hypothétiques » en l’absence de dispositif réglementaire ou pratique permettant « aux maîtres d’ouvrage d’être informés d’éventuelles condamnations pour discrimination, ni a fortiori de carences dans la mise en œuvre de l’obligation de négociations.
Généraliser l’éga-conditionnalité : une inertie à combattre, des outils à diffuser
La Cour des Comptes souligne en réalité que les dispositifs prévus « peinent à se généraliser, du fait d’une « inertie » d’une part, et d’un manque d’outils et d’indicateurs connus.
Différents indicateurs existent pourtant : ils sont appliqués par des acteur.rice.s de l’action publique, à tous les niveaux. Par exemple, la Ville de Nantes a choisi d’inclure des conditions d’exécution du marché public relative à l’égalité et à la lutte contre les discriminations. Le Conseil départemental de l’Essonne conditionne le subventionnement des associations sportives au respect de différents critères comme le taux de femmes au sein des instances décisionnelles ou l’égalité de traitement des adhérent.e.s. Le ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer a été pro-actif en la matière et a inclus dans des contrats d’objectifs et de performances passés avec leurs opérateurs publics des clauses d’éga-conditionnalité intégrées à la feuille de route du contrat. D’autres indicateurs, comme l’écart salarial, le taux de formation des salariées de l’entreprise, etc. peuvent être appliqués.
Pour une application plus systématique de clauses et d’indicateurs liés à l’égalité femmes-hommes dans les conditions d’attribution des financements publics, il est nécessaire de formaliser et diffuser des clauses-types d’égalité femmes-hommes à partir de premières expériences réussies. Il est en revanche tout aussi indispensable que les acteur.trice.s de l’action publique prennent conscience de leur rôle d’exemplarité et du fantastique levier de l’égalité qu’est la commande publique : il s’agit de mettre en avant la dimension citoyenne de la commande
publique, pour aller vers un mieux disant en termes d’égalité.
Parce que l’argent public ne doit pas servir à alimenter des représentations ou des actions stéréotypées, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes plaide en urgence pour une mobilisation de la commande publique pour parvenir à l’égalité réelle. Il est nécessaire de mettre en place de manière systématique et durable des clauses d’égalité conditionnant l’attribution et l’exécution de la commande publique, à partir des 3 axes suivants :
Axe 1 : Introduire des clauses d’éga-conditionnalité dans tous les marchés publics
Les marchés publics représentent 70 milliards d’euros par an, ils sont conclus par toutes sortes d’organismes publics et portent sur des travaux, des services ou des fournitures. Ils sont déjà encadrés et font l’objet de règles permettant d’ores et déjà d’inclure l’éga-conditionnalité, à la fois dans les conditions d’attribution et d’exécution des marchés. Ils sont donc une première cible idéale de l’éga-conditionnalité, et serviront d’exemple fort pour le reste des financements publics.
C’est le rôle des pouvoirs publics de prendre des initiatives politiques fortes en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment par une sélection accrue des organismes candidats aux marchés publics. C’est aussi leur rôle de s’assurer que l’exécution des marchés dont ils sont adjudicateurs ne renforce pas les inégalités entre les femmes et les hommes, y compris les stéréotypes de sexe.
Axe 2 : Introduire des clauses d’éga-conditionnalité et s’appuyer sur des facilitateur.rice.s
dans les partenariats public-privé
Les partenariats public-privé représentent également une part importante de l’investissement public. Conclus sur le long terme, leur conditionnement permettrait d’obtenir des résultats plus stables et moins anecdotiques que lors de marchés publics.
Des clauses d’éga-conditionnalité peuvent être introduites sur le modèle des clauses d’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi. Deux possibilités s’offrent aux pouvoirs publics pour la mise en œuvre de clauses d’éga-conditionnalité dans les partenariats public-privé :
Axe 3 : Introduire des indicateurs d’égalité femmes-hommes
dans les COP liant les opérateurs et l’Etat
Les opérateurs de l’Etat sont des organismes qui exercent directement une activité de service public, financés majoritairement par l’Etat et directement contrôlés par lui. En 2016, l’Etat est lié à plus de 500 opérateurs. Des Contrats d’Objectifs et de Performances (COP) lient la plupart du temps un opérateur et l’Etat ; des indicateurs en matière d’égalité femmes-hommes peuvent y être introduits.
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